Le user centered design ou comment développer des produits à succès en dialoguant avec les utilisateurs
Le développement de produits numériques est souvent un processus long, nécessitant de nombreuses ressources. Avant de lancer un nouveau site Web, développer une application ou produire des contenus numériques, les entreprises doivent cerner précisément les besoins de leur cible. Dans le cas contraire, de longs mois de travail acharné, des discussions animées au sein de l’équipe de projet ainsi que le budget investi pourraient bien partir en fumée.
Pour ne pas développer des produits en marge du marché mais bien proposer à ses clients une offre de produits faciles d’utilisation et intuitifs, à même de résoudre des problèmes réels, le secteur numérique, notamment, a défini le concept de « user centered design ».
User centered design : définition
Les principes de base du « user centered design » sont répertoriés dans la norme ISO 9241-210:2019 (Ergonomie de l’interaction homme-système - Partie 210 : conception centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs). Il s’agit de la norme succédant à la norme ISO 13407, qui décrivait déjà le processus de conception centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs.
Le « user centered design » est une approche de développement et de conception de produits plaçant les besoins des utilisateurs au cœur du processus, en vue de leur offrir une expérience d’utilisation optimale.
Lors du développement de nouvelles offres (numériques), de nombreuses entreprises se perdent dans leur propre perception. Plutôt que de commencer par interroger les utilisateurs sur la structure, la conception et les fonctions des produits, les entreprises se concentrent souvent sur les capacités techniques innovantes, leurs objectifs (que pouvons-nous offrir à court terme sur la base de nos ressources ?) et une interface graphique attrayante. Les applications ainsi créées doivent souvent être retouchées. Leur utilisation est bien souvent peu intuitive et leurs fonctionnalités ne correspondent pas aux attentes des utilisateurs.
Le « user centered design » transforme cette manière de faire. Les intérêts et compétences des entreprises ne sont plus privilégiés dans le processus de développement. À l’inverse, on s’intéresse aux besoins, capacités et souhaits des utilisateurs. Avant d’entamer le développement, on analyse donc l’utilisateur et sa situation. Puis, tout au long du processus de développement, on lui demande des retours d’information réguliers. Le produit prend peu à peu naissance, au fil de ce processus itératif, en étroite coopération avec les futurs clients.
Ce concept a été introduit dès les années 1990, dans l’univers du design de produits. Cependant, dans le domaine numérique, l’approche centrée sur l’utilisateur n’a pris son essor que ces dernières années.
Comparaison entre « user centered design » et « human centered design »
Tôt ou tard, lors de recherches approfondies sur le « user centered design », on tombe sur le terme human centered design. Les différences entre ces concepts sont, s’il y en a, marginales. Même les experts considèrent ces termes comme des synonymes, bien que certains notent toutefois de très légères différences linguistiques. Le terme « user » (utilisateur) désigne un groupe cible concret, tandis que « human » (humain) a une connotation plus générale. Le « human centered design » ne se rapporterait donc pas uniquement aux utilisateurs, mais aussi à d’autres acteurs du processus de développement interagissant seulement de manière indirecte avec le nouveau produit.
Le professeur de design Donald A. Norman fait partie des experts internationaux leaders du « user centered design » et fut d’ailleurs l’un des premiers à utiliser ce terme. Ses dernières publications révèlent un tournant linguistique : là où, précédemment, il utilisait le terme « user centered design », il préfère, dans ses nouveaux articles, les termes « human centered design » ou « people centered design ».
Principe du « user centered design »
La norme ISO 9241-210:2019 définit six principes de base du processus de « user centered design » :
- La conception s’appuie sur une réelle compréhension de l’utilisateur, de ses tâches et de son environnement : il ne suffit pas d’avoir une idée de la cible visée par son produit. Le « user centered design » exige une immersion profonde dans l’univers quotidien de l’utilisateur.
- Les utilisateurs sont intégrés à l’ensemble du processus de conception et de développement : il s’agit là de l’une des différences majeures avec les autres méthodes. Les utilisateurs ne sont pas invités à évaluer un produit fini. À l’inverse, leur opinion sert de point de départ au développement d’un produit.
- Le design évolue en fonction de l’évaluation des utilisateurs : chaque prototype et/ou version bêta est/sont évalué(e)s par des utilisateurs. Les retours collectés sont exploités lors des étapes suivantes de développement du produit.
- Le processus est itératif : les étapes du processus de développement de produit ne sont pas linéaires et peuvent revenir plusieurs fois. L’avis des utilisateurs peut d’ailleurs rendre nécessaire la répétition de différentes phases.
- L’ensemble de l’expérience des utilisateurs est pris en compte : le « user centered design » ne vise pas à faciliter l’utilisation d’un produit, mais bien à mieux comprendre l’expérience des utilisateurs. Un produit doit insuffler des émotions positives, proposer des solutions réelles et inviter à l’utilisation répétée.
- L’équipe de projet est pluridisciplinaire : le « user centered design » exige une collaboration étroite entre plusieurs services. Le cloisonnement n’a pas sa place dans ce processus. Ce n’est que lorsque les rédacteurs, les graphistes et les programmeurs planchent ensemble sur leurs différentes perspectives qu’ils peuvent répondre au mieux aux exigences des utilisateurs.
Le processus du « user centered design »
Le « user centered design » se fonde sur certains principes essentiels. S’il se présente toujours comme un processus de développement itératif, il n’existe toutefois aucune méthode explicite pour sa mise en œuvre. Cette approche peut être intégrée au sein d’une organisation en cascade ou d’un environnement dit « agile ».
Suivant la norme ISO 9241-210:2019, indépendamment de la conception concrète, on distingue quatre phases de processus :
1. Analyse du contexte
Dans un premier temps, il convient d’analyser le contexte dans lequel les utilisateurs utiliseront le produit. Qui sont d’ailleurs ses futurs utilisateurs et à quelles fins utiliseront-ils concrètement le produit ? Les équipes de projet trouveront les réponses à ces questions à travers des observations sur le terrain et des sondages.
2. Définition des exigences
Lors d’une seconde étape, il est important de définir les exigences spécifiques auxquelles le nouveau produit se doit de répondre. On en profitera pour détailler les exigences des utilisateurs et étudier celles de l’entreprise.
3. Conception
Ce n’est qu’ensuite que commence le processus de conception réel. Dans un premier temps, un prototype simplifié peut être créé, en papier par exemple, puis des wireframes numériques pourront suivre, jusqu’à ce qu’un prototype à l’état fini soit finalement créé.
4. Évaluation
Une fois le prototype créé, l’équipe de projet sondera l’opinion d’utilisateurs potentiels. Pour les applications numériques, cela passe généralement par la réalisation de tests d’utilisation complets et d’enquêtes de qualité. Des indices d’efficacité (l’utilisateur peut-il faire ce qu'il souhaite ?), de rendement (à quelle vitesse l’utilisateur peut-il atteindre son objectif ?) et de satisfaction générale seront calculés.
Sur la base des nouvelles informations collectées, l’équipe du projet pourra revenir à l’étape 2 ou 3 du processus de conception pour optimiser le produit. Ces itérations sont répétées jusqu’à l’obtention de retours satisfaisants de la part des utilisateurs. C’est alors que les conditions-cadres définies par l’entreprise (temps et coûts) devront être prises en compte.
Exemple pratique : Moneythink développe une application financière pour les jeunes
L’entreprise américaine Moneythink a développé une application financière pour les jeunes des quartiers sensibles en suivant le processus du « user centered design ». Les applications financières déjà disponibles, qui encouragent les utilisateurs à économiser dans des fonds, synchroniser leurs différents comptes et consulter des informations statistiques détaillées, ne convenaient pas à cette cible. La nouvelle application devait répondre aux besoins spécifiques des jeunes : encourager leur formation financière et les soutenir dans la gestion responsable d’un budget serré.
Dans ce but, Moneythink a effectué 90 entretiens avec des jeunes de sept écoles et universités différentes. L’équipe s’est immergée dans la réalité quotidienne de ses futurs utilisateurs. Elle a analysé et utilisé d’autres applications appréciées par les jeunes (telles que Snapchat et Instagram) et collecté, grâce à des observations de terrain de groupes de jeunes, à l’école et chez eux, des informations contextuelles complémentaires.
Ces connaissances ont ensuite été intégrées lors du développement de l’application. Lors de « design sprints », l’équipe a testé des moyens de rendre l’application plus « cool » et attrayante et de lui conférer un « facteur Instagram ». Après la publication de l’application, alors que les résultats chiffrés ne répondaient pas tout à fait aux attentes de l’équipe, celle-ci a poursuivi son travail d’ajustement et procédé à la collecte d’informations détaillées sur l’opinion des utilisateurs. Fidèle au slogan : « L’important ne se passe pas au bureau ».
Avantages de la conception de produits centrée sur les utilisateurs
Le choix du « user centered design » apporte de nombreux avantages à l’utilisateur, mais vaut également la peine pour les entreprises.
- Satisfaction des clients : l’intégration précoce des utilisateurs dans le processus de création du produit permet d’obtenir un produit fini conforme aux attentes des clients. L’entreprise jouit ainsi d’un chiffre d’affaires supérieur et de coûts de service après-vente inférieurs.
- Sécurité du produit : l’équipe de projet développe un produit adapté au groupe cible et au cas d’utilisation spécifiques. Dans la mesure où les informations pertinentes sont précisément prises en compte, le risque de créer une application défectueuse, voire dangereuse pour l’utilisateur est réduit.
- Qualité : en apprenant à connaître personnellement les besoins, les peurs et les souhaits des clients, les développeurs et concepteurs développent un sentiment d’empathie envers eux. Ils créent ainsi des produits plus éthiques et plus humains. Des aspects souvent oubliés, tels que la sphère privée ou l’exploitabilité sans barrière, sont ainsi gardés à l’esprit durant tout le processus.
- Durabilité : dans la mesure où l’équipe de projet ne procède pas au développement sur la base de son seul point de vue, mais de la diversité des besoins de ses clients potentiels, les produits créés attirent une base de clientèle plus large. Le « user centered design » contribue donc également à la durabilité économique de l’entreprise.
- Rentabilité : en demandant l’avis des utilisateurs avant la fin du développement du produit, en s’intéressant à leurs besoins dès le départ et en collectant leurs retours dès l’élaboration des premiers prototypes, il est possible de maintenir les coûts de modification et d’ajustement finaux à un niveau relativement bas.
- Avantage concurrentiel : dans la mesure où toutes les entreprises n’ont pas encore fait de l’orientation sur l’utilisateur leur préoccupation principale ou ne parviennent que médiocrement à appliquer ce principe, celles qui arrivent à mettre en place un processus de « user centered design » efficace se démarquent positivement de la concurrence.
L’avenir du « user centered design »
Il reste à savoir si, dans les prochaines années, la branche marketing parlera de « user centered design », de « human centered design » ou de « people centered design ». Dès lors que leur mise en œuvre ne répond à aucune règle statique, ces derniers continueront certainement d’évoluer. Cela dit, une chose est sûre : loin d’être une tendance passagère, la conception centrée sur l’utilisateur s’impose déjà comme une pratique d’excellence dans la branche numérique. Par ailleurs, au vu de la situation volatile, complexe et incertaine du marché, son importance ne cessera de croître à l’avenir.
Afin de mieux planifier le développement des produits et de gérer des aspects tels que la satisfaction des clients, la mise en œuvre technique et le rapport coût-efficacité, d'autres techniques telles que la « Maison de la qualité » peuvent être efficaces.